Lettre à un ami
La Rédaction
Le
24 février 1999
Cher
ami,
Nous
traversons cette vie aussi dangereusement que lorsque nous sommes sur
la route au volant d'une automobile. Un manque de vigilance, même
très bref, peut nous précipiter dans un ravin ou contre
un arbre et causer notre mort ou de graves blessures. La seule
différence est que dans le domaine spirituel, grâce à
l'expiation de Jésus-Christ, la possibilité demeure de
retrouver, par le repentir, la santé spirituelle ou la vie
spirituelle, et ce de notre vivant, alors que dans le cas de
l'accident de la route, si nous mourons, nous ne retrouvons la vie,
toujours grâce au Christ, qu'à la résurrection
universelle.
Malgré
cette différence, « Sur la balance de la justice,
la vertu a plus de poids que la vie elle-même ».
C'est pourquoi « il n'y a de trajédie que dans le
péché » (Spencer W. Kimball, du collège des Douze, dans « Le miracle du pardon », 1969, p.
9)
Heureusement,
le temps que nous sommes en vie nous pouvons nous repentir et, en
oeuvrant pour conserver notre vie spirituelle (Abraham 3:26), nous
qualifier pour la vie éternelle. Mais il est tragique de
mourir avant de l'avoir fait et ainsi de « mourir dans ses
péchés » (1 Néphi 15:33 ; 2 Néphi
9:38 ; Mosiah 2:33 ; 15:26 ; Alma 12:16 ; 20:17 ; Moroni 10:26).
D'un
autre côté l'automobile offre d'énormes
avantages, comme la vie elle-même, si nous ne relâchons
pas notre vigilance.
S'il
est tragique de « mourir dans ses péchés »,
vivre dans ses péchés est une position guère
plus enviable. Elle l'est d'autant moins pour ceux qui ont reçu
la connaissance (voir 2 Néphi 9:27 ; Mosiah 2:33, 36-37 ;
3:11-12 ; 15:26 ; Alma 39:6 ; 45:12 ; D&A 82:3) et ont contracté
des alliances (voir D&A 104:3-6), ce qui les rend davantage
responsables devant le Seigneur.
La
conscience que chacun reçoit en venant au monde (voir D&A
84:46 ; Moroni 7:16) est d'autant plus active que nous avons reçu,
en plus, la connaissance. Cette conscience peut être une
présence agréable ou désagréable selon
nos choix, mais elle est prévue dans le plan du salut (voir
Mosiah 2:15, 27 ; 4:3 ; Alma 14:6 ; 29:5 ; 36:12-13, 16-17, 19 ;
42:17-18, 29-30 ; Jean 8:9 ; Romains 2:14-15 ; 2 Corinthiens 7:9-10 ;
D&A 135:4). Elle est prévue pour nous être
salutaire.
En
même temps que la conscience travaille le pécheur, il
peut ressentir de façon douloureuse l'absence du Saint-Esprit
ou son abandon partiel, lui qui « ne demeure pas dans des
temples qui ne sont pas saints » (Mosiah 2:37 ; Alma 7:21
; 34:36 ; Hélaman 4:24). Ceux de qui l'Esprit se retire
ressentent soudainement ou peu à peu leur faiblesse, leur
fragilité, leur vulnérabilité (voir
Hélaman 4:24-26 ; Mormon 2:26 ; Mosiah 1:13), et
paradoxalement leur sentiment de dépendance de l'Esprit est
d'autant plus grand que celui-ci s'est éloigné d'eux
(voir Alma 42:7).
Autant
la compagnie du Saint-Esprit peut ne pas se manifester de façon
évidente et être vécue sans que nous en ayons le
sentiment permanent malgré la permanence de son influence,
comme la santé qui est vécue comme normale et dont nous
ne prenons véritablement conscience de la valeur que lorsque
nous tombons malade, autant l'absence de l'Esprit se fait ressentir
de façon inconfortable et inquiétante, lorsqu'il
s'éloigne ou se retire.
Cette
absence, partielle ou totale, peut engendrer un sentiment inverse à
celui d'être habité, accompagné, vivifié,
guidé, protégé. Elle peut être vécue
comme un vide intérieur, un vide spirituel qui nous sépare
du Seigneur.
Si
je comprends correctement les Écritures, la distance que le
péché crée entre soi et le Seigneur est décrite
comme un « gouffre » par les prophètes
(voir 1 Néphi 12:18 ; 15:28-30 ; Alma 26:20). Ce gouffre est
le résultat de la justice divine qui prévoit une
distance de séparation entre les résultats opposés
de la droiture et du péché (voir 2 Néphi 2:27 ;
Mosiah 2:40-41 ; Alma 28:13-14 ; 37:13 ; 38:1 ; 40:12-14, 21, 25-26 ;
41:3-5 ; 42:26 ; 50:21-22 ; Romains 11:22), distance sur laquelle ne
se trouve pas de résultat intermédiaire. Cette
distance, ou gouffre, est telle qu'elle laisse au pécheur le
sentiment que la vérité est dure (voir 1 Néphi
16:2-3 ; 2 Néphi 9:40,47) et que la condamnation du pécheur
est une injustice (voir Alma 42:1). Cette distance est à
l'image de celle qui sépare les justes des injustes dans le
monde des esprits (voir Luc 16:26).
La
détresse engendrée d'une part par les douleurs de
conscience, d'autre part par l'absence ou l'éloignement de
l'Esprit, est accentuée par la tendance du péché
à vouloir s'installer, comme indiqué par le Seigneur :
« si tu agis mal, le péché se couche à
la porte, et ses désirs se portent vers toi ». Mais
le Seigneur ajoute : « mais toi, domine sur lui »
(Genèse 4:7). Cette injonction est révélatrice
de la capacité de l'homme à surmonter cette situation.
Neal
A. Maxwell, du collège des Douze, a décrit cette
situation de la façon suivante : « Au cours du
processus douloureux du repentir, il peut nous arriver parfois
d'avoir l'impression que Dieu nous a abandonnés. En fait,
c'est notre comportement qui nous a isolés de lui. Ainsi, au
moment où nous nous détournons du mal mais où
nous ne nous sommes pas encore totalement tournés vers Dieu,
nous sommes particulièrement vulnérables. Cependant,
nous ne devons pas abandonner, mais, au contraire, nous confier au
bras miséricordieux de Dieu, qui est 'étendu toute la
journée' (Jacob 5:47 ; 6:4 ; 2 Néphi 28:32 ; Mormon
5:11). » (L'Étoile, janvier 1992, p. 35)
Richard
G. Scott, du collège des Douze, a dit à ceux qui
entament le chemin du repentir : « Soyez conscient que
vous passerez par deux périodes de transition. La première
est la plus difficile. Vous mettez en cage le tigre qui a eu contrôle
sur votre vie. Il secouera les barreaux, grognera, menacera et sèmera
un certain désordre. Mais je vous
promets que cette première période cessera. Sa durée
dépendra de la gravité de la transgression, de votre
détermination et de l'aide que vous demandez au Seigneur. Mais
rappelez-vous que si vous tenez bon, cela passera ».
Ces
propos rappellent ceux de l'apôtre Pierre dans 1 Pierre 4:1-2
; 5:8-10. Frère Scott poursuit : « La
deuxième période n'est pas aussi intense. Il s'agit
seulement d'être 'sur le pied de guerre', de manière à
pouvoir parer l'attaque ennemie. Cette phase-là, elle aussi,
aura son terme. Et vous éprouverez plus de paix et vous
contrôlerez mieux votre vie. Vous deviendrez libre. »
(L'Étoile, juillet 1990, p. 65).
Lorsque
le repentant a réussi à revenir à la case départ
il doit veiller à ce que ce qui a causé, occasionné
ou facilité le péché ne produise pas le même
résultat ; que ce qui est à l'origine du problème
n'y aboutisse pas de nouveau ; que les mêmes causes ne
produisent pas les mêmes effets.
Fort
de tout cela, mais surtout de l'Esprit du Seigneur qui habite ceux
qui lui en laissent l'espace et qui prend toujours plus d'espace au
fur et à mesure que nous lui en laissons, lui qui peu à
peu magnifiera ton identité éternelle, tu vaincras.
Si
tu le décides, si, sachant que « quelles que soient
les erreurs que nous ayons commises, notre seule sortie se trouve
devant nous » (Richard L. Evans, du collège
des Douze, dans L'Étoile de mai 1979), tu prends de
front les étapes du repentir comme tu as commencé à
le faire et endures sur cette voie, tu ne tarderas pas à voir
poindre de nouveau la lumière, à ressentir de nouveau
la proximité de l'Esprit, et à retrouver peu à
peu le sentiment de sécurité qu'il procure, ainsi que
tous les sentiments divins qu'il insuffle à notre âme.
Je
prie sincèrement pour cela.