Lettre à un ami



La Rédaction




Le 24 février 1999

Cher ami,

Nous traversons cette vie aussi dangereusement que lorsque nous sommes sur la route au volant d'une automobile. Un manque de vigilance, même très bref, peut nous précipiter dans un ravin ou contre un arbre et causer notre mort ou de graves blessures. La seule différence est que dans le domaine spirituel, grâce à l'expiation de Jésus-Christ, la possibilité demeure de retrouver, par le repentir, la santé spirituelle ou la vie spirituelle, et ce de notre vivant, alors que dans le cas de l'accident de la route, si nous mourons, nous ne retrouvons la vie, toujours grâce au Christ, qu'à la résurrection universelle.

Malgré cette différence, « Sur la balance de la justice, la vertu a plus de poids que la vie elle-même ». C'est pourquoi « il n'y a de trajédie que dans le péché » (Spencer W. Kimball, 1895-1985, des Douze, dans « Le miracle du pardon », 1969, p. 9)

Heureusement, le temps que nous sommes en vie nous pouvons nous repentir et, en oeuvrant pour conserver notre vie spirituelle (Abraham 3:26) , nous qualifier pour la vie éternelle. Mais il est tragique de mourir avant de l'avoir fait et ainsi de « mourir dans ses péchés » (1 Néphi 15:33 ; 2 Néphi 9:38 ; Mosiah 2:33 ; 15:26 ; Alma 12:16 ; 20:17 ; Moroni 10:26).

D'un autre côté l'automobile offre d'énormes avantages, comme la vie elle-même, si nous ne relâchons pas notre vigilance.

S'il est tragique de « mourir dans ses péchés », vivre dans ses péchés est une position guère plus enviable. Elle l'est d'autant moins pour ceux qui ont reçu la connaissance (voir 2 Néphi 9:27 ; Mosiah 2:33, 36-37 ; 3:11-12 ; 15:26 ; Alma 39:6 ; 45:12 ; D&A 82:3) et ont contracté des alliances (voir D&A 104:3-6), ce qui les rend davantage responsables devant le Seigneur.

La conscience que chacun reçoit en venant au monde (voir D&A 84:46 ; Moroni 7:16) est d'autant plus active que nous avons reçu, en plus, la connaissance. Cette conscience peut être une présence agréable ou désagréable selon nos choix, mais elle est prévue dans le plan du salut (voir Mosiah 2:15, 27 ; 4:3 ; Alma 14:6 ; 29:5 ; 36:12-13, 16-17, 19 ; 42:17-18, 29-30 ; Jean 8:9 ; Romains 2:14-15 ; 2 Corinthiens 7:9-10 ; D&A 135:4). Elle est prévue pour nous être salutaire.

En même temps que la conscience travaille le pécheur, il peut ressentir de façon douloureuse l'absence du Saint-Esprit ou son abandon partiel, lui qui « ne demeure pas dans des temples qui ne sont pas saints » (Mosiah 2:37 ; Alma 7:21 ; 34:36 ; Hélaman 4:24). Ceux de qui l'Esprit se retire ressentent soudainement ou peu à peu leur faiblesse, leur fragilité, leur vulnérabilité (voir Hélaman 4:24-26 ; Mormon 2:26 ; Mosiah 1:13), et paradoxalement leur sentiment de dépendance de l'Esprit est d'autant plus grand que celui-ci s'est éloigné d'eux (voir Alma 42:7).

Autant la compagnie du Saint-Esprit peut ne pas se manifester de façon évidente et être vécue sans que nous en ayons le sentiment permanent malgré la permanence de son influence, comme la santé qui est vécue comme normale et dont nous ne prenons véritablement conscience de la valeur que lorsque nous tombons malade, autant l'absence de l'Esprit se fait ressentir de façon inconfortable et inquiétante, lorsqu'il s'éloigne ou se retire.

Cette absence, partielle ou totale, peut engendrer un sentiment inverse à celui d'être habité, accompagné, vivifié, guidé, protégé. Elle peut être vécue comme un vide intérieur, un vide spirituel qui nous sépare du Seigneur.

Si je comprends correctement les Écritures, la distance que le péché crée entre soi et le Seigneur est décrite comme un « gouffre » par les prophètes (voir 1 Néphi 12:18 ; 15:28-30 ; Alma 26:20). Ce gouffre est le résultat de la justice divine qui prévoit une distance de séparation entre les résultats opposés de la droiture et du péché (voir 2 Néphi 2:27 ; Mosiah 2:40-41 ; Alma 28:13-14 ; 37:13 ; 38:1 ; 40:12-14, 21, 25-26 ; 41:3-5 ; 42:26 ; 50:21-22 ; Romains 11:22), distance sur laquelle ne se trouve pas de résultat intermédiaire. Cette distance, ou gouffre, est telle qu'elle laisse au pécheur le sentiment que la vérité est dure (voir 1 Néphi 16:2-3 ; 2 Néphi 9:40,47) et que la condamnation du pécheur est une injustice (voir Alma 42:1). Cette distance est à l'image de celle qui sépare les justes des injustes dans le monde des esprits (voir Luc 16:26).

La détresse engendrée d'une part par les douleurs de conscience, d'autre part par l'absence ou l'éloignement de l'Esprit, est accentuée par la tendance du péché à vouloir s'installer, comme indiqué par le Seigneur : « si tu agis mal, le péché se couche à la porte, et ses désirs se portent vers toi ». Mais le Seigneur ajoute : « mais toi, domine sur lui » (Genèse 4:7). Cette injonction est révélatrice de la capacité de l'homme à surmonter cette situation.

Neal A. Maxwell, du collège des Douze, a décrit cette situation de la façon suivante : « Au cours du processus douloureux du repentir, il peut nous arriver parfois d'avoir l'impression que Dieu nous a abandonnés. En fait, c'est notre comportement qui nous a isolés de lui. Ainsi, au moment où nous nous détournons du mal mais où nous ne nous sommes pas encore totalement tournés vers Dieu, nous sommes particulièrement vulnérables. Cependant, nous ne devons pas abandonner, mais, au contraire, nous confier au bras miséricordieux de Dieu, qui est 'étendu toute la journée' (Jacob 5:47 ; 6:4 ; 2 Néphi 28:32 ; Mormon 5:11). » (L'Étoile, janvier 1992, p. 35)

Richard G. Scott, du collège des Douze, a dit à ceux qui entament le chemin du repentir : « Soyez conscient que vous passerez par deux périodes de transition. La première est la plus difficile. Vous mettez en cage le tigre qui a eu contrôle sur votre vie. Il secouera les barreaux, grognera, menacera et sèmera un certain désordre. Mais je vous promets que cette première période cessera. Sa durée dépendra de la gravité de la transgression, de votre détermination et de l'aide que vous demandez au Seigneur. Mais rappelez-vous que si vous tenez bon, cela passera ». Ces propos rappellent ceux de l'apôtre Pierre dans 1 Pierre 4:1-2 ; 5:8-10. Frère Scott poursuit : « La deuxième période n'est pas aussi intense. Il s'agit seulement d'être 'sur le pied de guerre', de manière à pouvoir parer l'attaque ennemie. Cette phase-là, elle aussi, aura son terme. Et vous éprouverez plus de paix et vous contrôlerez mieux votre vie. Vous deviendrez libre. » (L'Étoile, juillet 1990, p. 65).

Lorsque le repentant a réussi à revenir à la case départ il doit veiller à ce que ce qui a causé, occasionné ou facilité le péché ne produise pas le même résultat ; que ce qui est à l'origine du problème n'y aboutisse pas de nouveau ; que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets.

Fort de tout cela, mais surtout de l'Esprit du Seigneur qui habite ceux qui lui en laissent l'espace et qui prend toujours plus d'espace au fur et à mesure que nous lui en laissons, lui qui peu à peu magnifiera ton identité éternelle, tu vaincras.

Si tu le décides, si, sachant que « quelles que soient les erreurs que nous ayons commises, notre seule sortie se trouve devant nous » (Richard L. Evans, 1906-1971, du collège des Douze, dans L'Étoile de mai 1979), tu prends de front les étapes du repentir comme tu as commencé à le faire et endures sur cette voie, tu ne tarderas pas à voir poindre de nouveau la lumière, à ressentir de nouveau la proximité de l'Esprit, et à retrouver peu à peu le sentiment de sécurité qu'il procure, ainsi que tous les sentiments divins qu'il insuffle à notre âme.

Je prie sincèrement pour cela.