Antoine Riva

par Jean Lemblé


En 1925, une soeur de la branche de Neuchâtel demande à la famille Riva, des gens venus du Tessin, si elle veut bien accepter la visite des missionnaires mormons. La mère et les enfants acceptent d'écouter le message qu'ils apportent, l'enseignement qu'ils dispensent. La mère est baptisée dans le lac de Neuchâtel, où beaucoup de baptêmes ont lieu. Mais, à partir de 1955, on n'y fera plus de baptêmes, la pollution des eaux étant devenue trop importante.

En 1926, un des fils Riva, Antoine, vient d'avoir huit ans, il demande le baptême, lui aussi. Il avait suivi les réunions avec sa mère bien des mois auparavant et après avoir écouté à la maison la lecture du Livre de Mormon, il se sentait tout à fait à l'aise dans cette Église. Antoine est né le 2 septembre 1918 à Neuchâtel. Ses parents habitent à la Chaux de Fond, mais retournent quelques mois après sa naissance au Tessin, leur canton d'origine où l'on parle italien, ce qui procura des difficultés de langage aux enfants lorsque la famille reviendra en 1924 habiter la Suisse francophone pour se fixer à Neuchâtel.

Les missionnaires proposent à Antoine devenu membre de partir aux États-Unis où il pourra être accueilli par une famille de l'Église. Aller en Amérique était relativement facile dans les années 20 avec l'aide des familles de l'Église de là-bas.

Mais le jeune garçon refuse. Il veut rester chez lui. D'ailleurs, il n'a même pas demandé à ses parents ce qu'ils en pensaient. Sa mère aurait sans doute accepté, mais qu'aurait dit le père ! S'il était parti à l'époque, il serait sans doute revenu comme soldat américain se battre pour la libération de l'Europe.

Vers cette époque, une jeune veuve prend la décision d'émigrer avec son seul enfant, vend ses meubles puis du jour au lendemain sans qu'on sache pourquoi, change d'avis et reste en Suisse.

Dans la famille Riva, ils sont quatre garçons et deux filles. Au fur et à mesure qu'ils atteignent l'âge du baptême, ils deviennent membres. Le père ne se joint jamais à l'Église mais il est satisfait d'y voir sa famille.

Les missionnaires à Neuchâtel font du porte-à-porte et baptisent de grandes familles avec beaucoup d'enfants. En Suisse, à l'époque, les missionnaires restent jusqu'à dix-huit mois dans la même branche. Ils ont beaucoup de contact avec les familles de l'Église, mangent chez elles et leur laissent une photo lorsqu'ils les quittent pour aller ailleurs. Les missionnaires mettent beaucoup de temps à travailler avec ceux qui s'intéressent à l'Église avant de les baptiser. Certains, comme frère Robert Simond devenu plus tard le beau-père d'Antoine Riva lorsqu'en 1943, celui-ci se marie avec sa fille Erica, mettent quatre ans et plus à devenir membre. Robert Simond voulait être absolument sûr que ce soit la vraie Église de Dieu et cela lui a demandé du temps.

Beaucoup de membres habitent les montagnes environnantes. Les enfants clans les fermes travaillent à partir de l'âge de dix ans. Pour aller à l'église, il faut descendre en ville. Depuis leurs fermes dans les montagnes, il faut marcher jusqu'au funiculaire, monter dans le train puis prendre le tramway ou encore marcher jusqu'au lieu de réunion.

Dans les journaux des articles sont écrits contre les mormons, conseillant aux parents de « ne pas laisser leurs enfants, surtout les jeunes filles à avoir des contacts avec ces gens-là ».

Sitôt converties, les jeunes personnes risquaient d'être envoyées en Amérique pour être épousées par un polygame.

Dans les années 1930, ces âneries avaient abondamment cours car le public pensait que les mormons étaient polygames et les pasteurs faisaient de grandes conférences sur ce thème.

Lorsqu'Antoine Riva est devenu saint des derniers jours, il y avait de trente à quarante personnes pratiquantes dans sa communauté malgré le nombre relativement grand de ceux qui émigraient.

Il fait du scoutisme entre dix et douze ans, est ordonné diacre en 1930, et reçoit son premier office dans l'Église : secrétaire de l'École du dimanche. À quatorze ans, il est ordonné instructeur puis à seize ans, prêtre. Dans la branche de Neuchâtel, ils sont trois garçons à être actifs dans l'Église. Enfin, en 1939, il est ordonné ancien selon l'ordre de Melchisédek, et voici qu'arrive la guerre.

Fin 1939 et début 1940, les derniers missionnaires sont retirés du pays. Gaston Chapuis, originaire de Suisse, est le dernier à rester au bureau de la Mission. Il transporte les archives de l'Église en sa possession à Bâle. Auparavant pourtant, le dernier missionnaire de Suisse, Brigham Young Card, président du district suisse, contacte le président de la branche de Neuchâtel, Robert Simond, et lui confie toute la responsabilité qu'il avait sur ses épaules avant de quitter l'Europe.

Durant toute la guerre, il n'y a pas de coupure dans le travail de l'Église en Suisse. Le nouveau président de district envoie régulièrement des rapports à Salt Lake City sur la marche des branches en Suisse d'expression française. Il rend visite chaque mois à toutes les unités de l'Église sous sa juridiction et organise deux fois par an un congrès. Entre 1940 et 1945, Antoine Riva aide le président Simond dans la préparation des congrès du district et des congrès de prêtrise. Ces derniers ont lieu une fois l'an.

Pendant la guerre, L'Étoile ne paraissant plus, Robert Simond édite en remplacement un bulletin mensuel, appelé Bulletin du District, relatant les divers programmes et événements dans les branches. Dans chacune de ces éditions se trouvent une ou deux pages d'un livre canonique de l'Église, la Perle de grand prix, traduit de l'anglais par les soins du nouveau président de la branche de Neuchâtel, Oscar Frieden, appelé à ce poste par le président Simond. Les Suisses ont ainsi un autre livre canonique en français à leur disposition.

Bien plus tard, en 1956, Antoine Riva, devenu conseiller du président de Mission Harold W. Lee (professeur de français à l'Université de Brigham Young à Provo, Utah) propose à ce dernier de faire traduire en français la Perle de grand prix, par les moyens de l'Église. La traduction terminée, le président Lee transmet les épreuves d'imprimerie à Antoine Riva afin de les comparer à la traduction d'Oscar Frieden.

À quelques expressions près, les deux traductions sont identiques.

Jean Lemblé, Dieu et les Français, éd. Liahona, 1986