Les temples au cours des siècles
Stephen D. Ricks
Le centre de la
communauté dans l’Israël antique et dans d’autres
parties du Proche-Orient antique était le temple, institution
de la plus haute antiquité. Sa construction représentait
régulièrement l’accomplissement suprême du
règne d’un roi. Ainsi, ce fut l’événement
central du règne du roi Salomon, éclipsant de loin
n’importe laquelle de ses autres réalisations (1 R.
6-8), et ce fut un événement crucial dans
l’établissement de la monarchie néphite (2 Né.
5:16-18). La présence du temple représentait la
stabilité et la cohésion dans la communauté, et
ses rites et cérémonies étaient considérés
comme essentiels au fonctionnement correct de la société.
Par contre, la destruction d’un temple et la cessation de ses
rites présageaient et symbolisaient la dissolution de sa
communauté et le retrait de la faveur de Dieu. La chute de
Jérusalem et de son temple (586 av. J.-C.), avec le pillage de
ses trésors sacrés, a symbolisé, comme aucun
autre événement, la catastrophe qui est arrivée
à Juda. Après le retour des Juifs de l’exil à
Babylone (v. 500 av. J.-C.), les prophètes Aggée et
Zacharie rappelèrent constamment à leur peuple
qu’aucune autre réalisation ne compenserait sa
négligence à reconstruire un temple. Les temples
étaient si importants que, quand la distance ou d’autres
circonstances rendaient le culte au temple de Jérusalem
impraticable, on en construisait d’autres. Ainsi, des temples
israélites furent construits à Arad près de
Beer-Schéba, à Éléphantine et à
Léontopolis, en Égypte, et un temple néphite fut
érigé au pays de Néphi.
Plusieurs études
ont prouvé que certaines caractéristiques
réapparaissent régulièrement dans les temples du
Proche-Orient antique. Parmi les caractéristiques qui ont été
identifiées, qui distinguent le temple des bâtiments de
culte ordinaires comme la synagogue ou l’église, il y
a : (1) le’ fait que le temple est construit sur un espace
séparé, sacré et mis à part ; (2) le
temple et ses rituels sont enrobés de secret ; (3) le
temple est orienté vers les quatre régions du monde ou
points cardinaux ; (4) le temple exprime par son architecture
l’idée d’ascension vers le ciel ; (5) les
plans du temple sont révélés par Dieu à
un roi ou à un prophète ; et (6) le temple est un
lieu de sacrifice (Lundquist, p. 57-59).
Les saints des derniers
jours reconnaissent parmi ces caractéristiques plusieurs qui
sont celles des temples israélites antiques aussi bien que des
leurs. Par exemple, l’emplacement des temples israélites
antiques et des temples modernes des saints des derniers jours est
considéré comme saint, avec accès limité
à certaines personnes dont il est attendu qu’elles aient
« les mains innocentes et le cœur pur »
(Ps. 24:3-6 ; cf. Ps. 15 ; És. 33:14-16). Comme le
tabernacle et le temple dans l’Israël antique, beaucoup de
temples des saints des derniers jours sont orientés de manière
à ce que l’entrée cérémonielle
principale (indiquée par l’inscription « HOLINESS
TO THE LORD » sur les temples modernes) soit face à
l’est. Les temples israélites antiques étaient
divisés en trois sections, chacune représentant une
étape progressivement plus élevée, allant du
monde d’en bas jusqu’au ciel ; on peut reconnaître
le même genre de symbolisme dans les temples de l’Église.
Les plans du temple de Salomon ont été révélés
au roi Salomon. De même, les plans de beaucoup de temples des
saints des derniers jours ont été reçus par
révélation.
Que se passait-il dans
les temples de l’Antiquité ? Le temple est un lieu
de sacrifice, une pratique qui est bien attestée dans l’Israël
antique. On ne trouve pas de sacrifices d’animaux dans les
temples des saints des derniers jours parce que les sacrifices
sanglants ont trouvé leur accomplissement dans la mort de
Jésus (3 Né. 9:19). Il n’empêche que
les saints des derniers jours apprennent dans leurs temples à
observer les principes éternels du sacrifice d’un cœur
brisé et d’un esprit contrit (3 Né. 12:19).
En outre, à l’intérieur des temples du
Proche-Orient antique, les rois, les prêtres du temple et les
fidèles recevaient des ablutions et l’onction et étaient
vêtus, couronnés et symboliquement initiés dans
la présence de la Divinité et donc dans la vie
éternelle. Dans l’Israël antique, comme ailleurs,
c’est dans la consécration du prêtre et le
couronnement du roi que l’on voit le mieux ces détails.
Les ordonnances du temple dans l’Église sont accomplies
dans un contexte chrétien de royauté masculine et
féminine et de prêtrise éternelles.
On retrouve aussi les
caractéristiques du culte du temple décrites ci-dessus
dans beaucoup d’autres cultures depuis les temps anciens
jusqu’aux temps modernes. Il y a plusieurs explications
possibles à cela. Selon le président Joseph F. Smith,
on comprend mieux certaines de ces ressemblances si on considère
qu’elles se sont répandues par diffusion à partir
d’une source antique commune :
« Il ne fait
pas de doute que la postérité d’Adam a emporté
la connaissance de cette loi [de sacrifice] et des autres rites et
cérémonies dans tous les pays et qu’elle l’a
conservée plus ou moins pure, jusqu’au déluge et,
par Noé, qui était un « prédicateur
de justice », l’a transmise à ceux qui lui
ont succédé, se répandant dans toutes les
nations et tous les pays… Si les païens ont des points de
doctrine et des cérémonies ressemblant… à
ceux… des Écritures, tout ce que cela prouve …
c’est que ce sont les traditions des pères transmises
par eux… et qu’elles resteront attachées aux
enfants jusqu’à la dernière génération,
bien qu’elles puissent s’égarer dans les ténèbres
et la perversion, jusqu’à ne plus avoir qu’une
légère ressemblance avec leur origine, qui était
divine » [JD 15:325-326].
Quand Jésus chassa
les changeurs du temple qu’il appelait « la maison
mon Père » (Jn. 2:16), ce fut la démonstration
de ce qu’il tenait à la sainteté des sanctuaires
de l’Israël antique. Les déclarations d’Étienne
et de Paul que « le Très-Haut n'habite pas dans ce
qui est fait de main d'homme » (Ac. 7:48 ; 17:24 ;
cf. És. 66:1-2) n’impliquent ni l’une ni l’autre
un rejet du temple, mais plutôt un argument contre l’idée
que Dieu puisse être confiné dans un bâtiment.
Lors de la dédicace du temple de Jérusalem, Salomon dit
de même : « Les cieux et les cieux des cieux ne
peuvent te contenir : combien moins cette maison que je t'ai
bâtie ! » (1 R. 8:27 ; 2 Ch. 6:18).
Jusqu’au quatrième siècle apr. J.-C., les
chrétiens pouvaient encore montrer l’endroit sur le mont
des Oliviers « où l’on dit que le sanctuaire
du Seigneur, c’est-à-dire le temple, doit être
construit et où il se tiendra pour toujours… quand,
comme on le dit, le Seigneur viendra avec la Jérusalem céleste
à la fin du monde » (Nibley, p. 393).
Bien que l’idée
du temple ait été quelque peu submergée par la
suite dans la conscience des Juifs et des chrétiens, on ne l’a
jamais complètement oubliée. Comme Hugh Nibley le fait
remarquer, l’Église chrétienne sentait qu’elle
ne possédait rien qui pût remplacer adéquatement
le temple. Jérusalem est restée au centre des cartes
médiévales du monde et l’emplacement du temple
était parfois aussi indiqué sur ces cartes. Quand ils
libérèrent les lieux saints à Jérusalem,
les Croisés visitèrent l’emplacement du temple
juste après celui du saint Sépulcre, alors qu’il
n’y avait plus eu de temple là-bas pendant plus de mille
ans (Nibley, p. 392, 399-409).
Les Juifs et les
chrétiens qui prennent au sérieux et littéralement
la vision de la reconstruction du temple dans Ézéchiel
s’attendent à ce que dans le plan de Dieu un futur
temple y soit reconstruit, comme ils espèrent la
reconstitution des tribus distinctes d’Israël (Ricks, p.
279-280). Après la destruction du temple par les Romains en 70
apr. J.-C., les Juifs ont continué à vivre sans lui,
mais il a conservé un rôle important dans leur pensée
et leur étude. À notre époque, le temple reste
important pour certains Juifs, qui continuent à étudier
leurs textes sacrés à son sujet.
Bibliographie
Lundquist,
John M. « The Common Temple Ideology in the Ancient Near
East ». Dans The Temple in Antiquity, dir. de publ. T.
Madsen, p. 53-74. Provo, Utah, 1984.
Nibley,
Hugh W. “Christian Envy of the Templer”. Dans CWHN
4:391-433.
Ricks,
Stephen D. “The Prophetic Literality of Tribal Reconstruction.”
Dans Israel’s Apostasy and Restoration : Essays in Honor
of Roland K. Harrison, dir. de publ. A. Gileadi, p. 273-281. Grand
Rapids, Mich., 1988.
Article tiré de l'Encyclopédie du mormonisme, Macmillan Publishing Company, 1992, traduction Marcel Kahne, source www.idumea.org, avec autorisation